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Humans of Food #8
Rouba
Cuisinière syrienne à Strasbourg

« L’odeur, les couleurs, parce que les couleurs sont vertes et jaunes, ce sont de belles couleurs qui frappent. Et ça se cuisine avec du citron... ». Rouba, cuisinière en herbe de 20 ans nous partage les saveurs de son enfance dont celles du mulukkhiyah et des maqluba, plats typiques syriens. Rouba est l’une des participantes au programme SESAME du Refugee Food Festival.

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Rouba, j’ai 20 ans, je suis syrienne, j’habite avec ma famille, j’aime beaucoup cuisiner, surtout les desserts, je fais toujours avec ma mère dans la cuisine. Le dessert c’est juste moi, je fais aussi avec ma sœur, j’aime le sport, je cours beaucoup. J’aime écouter la musique, le matin avec le café. Nous sommes 8 et ça fait 3 ans que je suis arrivée en France, depuis 2018. J’ai le niveau A1 en français. J’aime beaucoup ma famille. Ma sœur me manque, ça fait trois ans que je l’ai pas vue, elle me manque, elle est au Liban. J’aime beaucoup mulukhiyah* qui se mange avec le riz et les feuilles de vignes, et le maqluba* qui se mange aussi avec du riz et mahshi*. J’aime beaucoup les halawet el jeben*, qatayef* et hrisa.

Est-ce que tu as un souvenir particulier lié à la cuisine de ton enfance ?

Mmm… Je crois que mon souvenir c’est le mulukkhiyah, un plat typique syrien parce que ma mère en cuisinait souvent. Et les maqluba. L’odeur, les couleurs, parce que les couleurs sont vertes et jaunes, ce sont de belles couleurs qui frappent. Et ça se cuisine avec du citron. Ça sent super bon. Au ramadan lorsque ma mère cuisine je me dis tout de suite que c’est bon. Il y a une épice dont je me souviens particulièrement le hil*, on en met dans le café et dans la cuisine et c’est vraiment une odeur dont je me rappelle bien.

Quels sont les ingrédients phare de ta cuisine ?

J’aime beaucoup la salade, j’en mets dans tous mes plats. Je mets toujours de l’huile d’olive, du sel, du poivre. Je trouve que ça a meilleur goût. Et vraiment beaucoup de sel. On utilise beaucoup de curcuma, en fait on utilise énormément d’épices.

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Est-ce qu’il y a un plat ou une cuisine en particulier qui t’as déjà fait voyager ?

Le couscous, j’ai beaucoup aimé. J’aime beaucoup la cuisine italienne aussi, le poulet avec des frites, du fromage. Les lasagnes, le pastitsio, les macaronis. Quand ma mère cuisine, j’ai l’impression de me retrouver en Syrie, mais maintenant non parce qu’il y a la guerre en Syrie. Je me souviens de la Syrie, et de ce qu’on mangeait.

Selon toi, est ce que la cuisine permet de transmettre des pratiques, des traditions ou encore des héritages culturels ?

Oui, je fais exactement comme ma mère. Car c’est super bon, ma mère cuisine très bien, je veux suivre son exemple. Tous les jours on boit du café avec les épices. Les hommes s’assoient en rond, après ils font la chica, et les femmes restent debout. Lorsque les femmes veulent s’asseoir elles doivent être séparées des hommes. Pendant le ramadan aussi, les hommes sont en rond avec du café et des fruits et les plats sont sur le sol. Les plats sont par terre tout en longueur et nous sommes assis par terre. Quand on mange en Syrie, les plats sont sur le sol. Les hommes sont habillés en blanc avec une robe. Ce sont les femmes qui préparent le repas et les hommes restent assis.

Tous les jours, on boit du café avec les épices. Après le ramadan, il y a un rite, c’est une fête. On achète des bonbons, des habits, on sort. Pendant le rite, toutes les femmes cuisinent, on va chez une femme, on cuisine, après on va dans un autre appartement, et on cuisine à nouveau. Le ramadan dure 1 mois, le dernier jour il y a le rite qui dure 4 jours. Le lendemain de la fin du ramadan on mange toute la journée. Le matin en Syrie tout le monde vient chez nous et on installe les plats par terre. Pendant 4 jours on mange, on cuisine, on sort, on voyage. Le premier jour du rite, souvent on fait des samboussak*.

A partir de 10 ans on peut commencer à faire le ramadan. Les petits mangent le midi et le soir et ils ne peuvent pas manger pendant la journée. Quand une femme est enceinte elle ne fait pas le ramadan aussi si elle est très fatiguée, et pendant les règles les femmes ne font pas le ramadan. Tous les jours on décale, c’est vraiment quand le soleil se couche. Et quand l’heure du repas va arriver, on regarde les minutes, on s’agite, on prépare tout. On apprend la patience et la détermination, on est vraiment content de le faire. On mange seulement une fois le soir mais parfois on se réveille la nuit et on mange un peu. On mange du fromage, de l’huile d’olive. On ne peut pas manger n’importe quoi sinon ça va nous donner soif. On mange beaucoup de pastèque, de concombre. On peut manger tout ce qu’on veut.

Au ramadan on boit de la sus* c’est pour éviter d’avoir soif. On met du tamarin dedans.

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C’est vraiment une tradition que je souhaite partager avec ma famille, mes amis, et toutes les personnes qui croient en cette manière de faire. C’est vraiment un moment pour la famille et les proches de se retrouver, de passer du temps ensemble.

J’aime bien cuisiner avec mon copain et mes amis. C’est peu importe pour moi de cuisiner avec quelqu’un que je ne connais pas. La cuisine m’a aidée à partager ma culture.

Avec qui préfères-tu cuisiner ?

Avec ma mère. On cuisine beaucoup ensemble et j’apprends énormément. Par contre, ma mère aime bien cuisiner avec mon père. J’aime bien cuisiner seule ou avec ma sœur aussi. Je cuisine beaucoup, depuis 12 ans.

Mon frère était malade, ma mère a pris mon frère en Syrie alors j’étais seule à la maison et je devais cuisiner pour les frères et sœurs. C’est comme ça que j’ai commencé à cuisiner, je cuisinais un peu de riz, des pommes de terre pas forcément beaucoup mais je cuisinais et ensuite j’ai vraiment apprécié faire à manger. J’aimerais encore apprendre à cuisiner, j’ai encore beaucoup de choses à apprendre. Ce sont vraiment les desserts que je préfère cuisiner, quand j’étais petite je regardais sur Youtube comment faisaient les influenceurs et ensuite je cuisinais ce que j’avais vu, ce que j’avais appris.

Lexique : 

Mulukkhiyah : Plat oriental populaire, cuisiné avec du ragoût à base de viande, de bœuf, de poulet, de canard, de lapin, de poisson ou d’agneau. Le nom est celui de la plante connue sous le nom de corète potagère.

Maqluba : Plat traditionnel syrien à base de riz et de légumes frits auxquels on ajoute de la viande.

Mahshi : Recette traditionnelle de légumes farcis de riz et de viande.

Halawet el jeben : Dessert populaire en Syrie, à base de mozzarella, mascarpone, sirop de fleur d'oranger et pistaches.

Qatayef : Crêpes fourrées et baignées de sirop qui se présente sous forme de cornet.

Hil : Cardamome.

Samboussak : Chausson salé frit dans l’huile.

Sus : Boisson aigre qui coupe la soif.

Signé : Juliette Donnarumma et Geraldine Meyer
Photos : Juliette Donnarumma et Geraldine Meyer

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