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Humans of Food #2
Hussam
Chef et propriétaire du restaurant Damasquino à Strasbourg

Est-ce que tu as un souvenir particulier lié à la cuisine de ton enfance ?

Un souvenir… Il y a par exemple un petit plat que ma mère fait, maximum une fois par mois, qui s’appelle fattet al makdous. C’est un plat accompagné d’aubergines farcies et de viande. Alors ça, j’adore. Normalement quand elle le fait elle m’invite toujours. Depuis que je suis petit jusqu’à après mon mariage, quand elle le fait, elle pense avec moi et elle le garde de côté pour moi. Il y a une odeur spéciale que j’adore et que je garde toujours dans ma mémoire, mais je n’arrive jamais à faire pareil. Je fais la même recette avec les mêmes ingrédients pourtant, mais ça n’a pas le même goût. Je crois que c’est l’amour de la mère qui change le goût et l’odeur.

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Quels sont les ingrédients phares de ta cuisine ?

Oignon et ail, ça c’est toujours. Ma femme me dit que je pourrai même les utiliser pour les desserts tellement je les cuisine souvent. Sinon, il y a toujours du persil, de la coriandre et de la menthe, ça aussi j’adore parce que ça change totalement le goût. En Syrie, on n’utilise pas trop des épices comme je le fais ici. À mon avis c’est parce que le goût de la viande est plus riche là-bas et les types d’animaux ne sont pas pareil. En gros, d’habitude on ajoute « sel-poivre » pour la viande et c’est tout. Mais ici, j’ajoute beaucoup d’épices pour changer le goût, un peu comme les épices indiennes. Par exemple, le cumin j’en utilise pas mal, le sésame, les graines de nigelle aussi. L’huile d’olive ça c’est partout.

 

Bon, sauf les desserts. Sirop de grenade pour les falafels et les kebbeh. Par exemple, le fattoush sans sirop de grenade ce n’est pas possible, pour les fatayers à la viande pareil, ça donne vraiment une touche citronnée, encore mieux que les épices.

Est-ce qu’il y a un plat ou une cuisine en particulier qui t’a déjà fait voyager ?

Quand j’ai goûté le champignon en France, c’était magnifique. Ça faisait peut-être un mois et demi qu’on était arrivé en France, et on est allé ramasser des champignons en montagne. C’était une nouvelle expérience pour moi. Donc je suis allé avec un ami, et on a ramassé plusieurs sortes de champignons. Puis quand je suis rentré, j’ai préparé pour moi comme toujours, avec un petit peu d’oignon, d’ail et de viande hachée… Mais lui il a fait autre chose, il a ajouté de la crème fraiche, quelque chose de simple, pas compliqué mais quand j’ai commencé à manger il y a comme un sourire qui est né. J’étais très content avec le goût, peut-être c’était le champignon sauvage.

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Selon toi, est-ce que la cuisine permet de transmettre des pratiques, des traditions ou encore des héritages culturels ?

100%. Peut-être parce que moi, je parle beaucoup aussi. Je raconte toujours l’histoire de chaque ingrédient d’une recette ou d’un plat… Je donne par exemple de la moussaka avec un radis à une personne. Elle, elle va manger le radis et la moussaka séparément mais moi je lui dis non : mange-les en même temps ! Ce n’est pas pareil ! Je fais toujours ça pour tout le monde. Ce que je préfère moi, c’est faire manger aux autres ce que moi je veux. Comment dire, je conduis les gens vers ce que j’aime, vers ce qui est frais, ce qui vient d’être préparé. Je veux qu’ils vivent la vraie expérience. Ça c’est ma vie, je guide les gens mais je ne le fais pas toujours exprès. Je le fais avec mes parents, mes amis, ma famille… mais eux ne le savent pas.

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Selon toi, est-ce que la cuisine peut créer des liens entre des personnes qui viennent d’horizons divers ?

Toujours, toujours, toujours. Même s’il y a quelqu’un qui regarde le menu, moi je propose un falafel, avec un peu de hummus ou moutabal, donc comme ça il goûte. Dans le quartier de mon restaurant par exemple, c’est comme ça que j’ai rencontré les commerçants du quartier ou encore des voisins comme Samuel. Hier, il m’a même présenté sa copine. J’ai senti que je suis là depuis un an ! Je garde contact avec les gens, les personnes aiment passer chez moi. Je peux ouvrir de 10h du matin à 10h le soir sans problème, il y a toujours du monde qui vient à ma table.

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Avec qui tu préfères cuisiner ?

Ça c’est une question un peu difficile. Je crois que c’est aussi parce que je suis un peu difficile, je ne sais pas trop pourquoi. J’aurai pu te dire mes tantes, mais elles m’interdisent de mettre ce que j’aime dans les plats. Au travail, je peux très bien travailler avec une équipe mais je crois que ce que je préfère, c’est cuisiner avec des amateurs. Finalement, ils ne savent pas ce que sera le repas alors ils font très attention à bien faire. Pour eux, ce n’est pas un travail, c’est pour se faire plaisir donc les gens donnent.

Signé : Lucile Ali
Photos : Lucile Ali

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